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    Loi travail les recours possibles


    Le droit nous offre plusieurs possibilités de recours. Sans attendre l’application de la loi dans les entreprises, des recours peuvent être menés devant les organisations internationales qui contrôlent l’application du droit du travail. Il s’agit notamment de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ces recours doivent permettre une première condamnation de la loi El-Khomri, qui pourra ensuite être présentée aux juges français lors des procès que nous allons engager ensemble.

    Le droit français organise la procédure de « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) qui nous permet à l’occasion de recours individuels de contester la loi devant le Conseil Constitutionnel, qui est l’autorité ultime qui vérifie que la loi respecte les droits et libertés des personnes. Ce sont les articles 61-1 et 62 de la Constitution qui prévoient cette procédure. 


    Le principe de neutralité

    La loi Travail (article L. 1321-2-1) prévoit que le règlement intérieur peut imposer aux salariés un principe de neutralité et peut restreindre le droit des salariés de manifester leurs convictions personnelles et ceci de façon très générale. En effet, le texte ne précise de quelles convictions il s’agit : religieuses, politiques, syndicales ou morales ? Selon nous, la neutralité ne devrait pas être le principe en entreprise, et les salariés devraient pouvoir s’exprimer librement sachant que le Code du travail prévoit déjà des limites. Dans l’entreprise privée, les salariés sont la partie subordonnée dans la relation avec l’employeur, et leur liberté d’expression doit donc être protégée. 

    Vous pouvez contester les principes de neutralité pour le faire interdire car rien ne justifie que de telles obligations pèsent sur les salariés:

    Le cas d’un règlement intérieur adopté après l’entrée en vigueur de la loi Travail, ou un règlement intérieur modifié après la loi Travail, prévoyant que les salariés sont tenus à une obligation de neutralité. Le règlement ne pose pas de conditions et de limites à cette obligation, ou il pose des limites très larges (concernant le lieu, le moment, les emplois concernés, le type de manifestation des convictions), ou il mentionne une obligation de neutralité générale, en omettant de mentionner les raisons justifiant cette restriction ou le but recherché. Les licenciements faisant suite au non-respect de l’obligation de neutralité peuvent aussi être un point de départ à notre contestation, à condition que l’obligation de neutralité soit générale et ne soit pas limitée ou très peu.


    Les accords de préservation et de développement de l’emploi

    L’employeur peut depuis la loi Travail, conclure des accords d’entreprise avec des organisations syndicales, en l’absence de toutes difficultés économiques ou financières, consistant à demander aux salariés d’accepter des conditions de travail moins favorables, ou de renoncer à des droits. Lorsqu’un accord de ce type est conclu, il peut prévoir des dispositions en contradiction avec le contrat de travail individuel. Dans ce cas, l’employeur doit demander à chaque salarié individuellement s’il accepte que son contrat soit modifié dans un sens moins favorable. Si le salarié refuse, l’employeur est en droit de le licencier pour un motif « spécifique » (article L2254-2), qui n’est ni un motif personnel (puisque le salarié n’a pas commis de faute, qu’il ne présente pas d’inaptitude ou d’insuffisance professionnelle) ni un motif économique (puisque l’entreprise ne connait pas de difficultés économiques ou financières).

    Nous contestons ce nouveau motif de licenciement, qui n’est justifié ni légalement, ni moralement et qui est contraire à la convention 158 de l’OIT. Pour amener le juge à se prononcer là-dessus, nous recherchons :

    Un accord collectif d’entreprise visant à la « préservation et au développement de l’emploi », signé après l’adoption de la loi travail. Cet accord doit prévoir des dispositions moins favorables pour les salariés. Par exemple, il doit prévoir qu’un salarié travaille plus pour le même salaire. Le salarié refuse cette modification de son contrat de travail et est alors licencié par l’employeur qui se base sur le « motif spécifique ». Il est important que l’entreprise ne connaisse pas de difficultés économiques (sinon il s’agit d’un licenciement pour motif économique).


    L’adoption d’un accord collectif d’entreprise par référendum

    En principe, un accord collectif doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés (au premier tour des élections des titulaires au CE ou de la DUP ou à défaut des DP), quel que soit le nombre de votants (article L. 2232-12 modifié par la loi Travail). Si ce n’est pas le cas, depuis la loi Travail, l’accord peut tout de même être valide sous certaines conditions :
    - Si les organisations syndicales représentatives qui ont signé l’accord avec l’employeur représentent plus de 30 % des suffrages, elles peuvent décider d’organiser un référendum ; 


    - A l’issu de ce référendum, si 50 % des salariés votants (et non 50 % des salariés de l’entreprise) se sont exprimés en faveur de l’accord, il est valablement conclu et applicable dans l’entreprise.
    Le problème majeur de cette disposition, est que des syndicats minoritaires peuvent signer un accord, qui est ensuite adopté par une minorité de salariés dans l’entreprise en cas de fort abstentionnisme. Cet accord, qui peut être défavorable au salarié, n’a donc aucune légitimité. Voilà le cas type que nous recherchons :
    Un accord d’entreprise est signé par l’employeur et des organisations syndicales minoritaires (représentant 30% des suffrages), celles-ci demandent la tenue d’un referendum. L’accord est validé suite au référendum.
    La démonstration sera encore plus forte si les salariés en faveur de l’accord représentent moins de la moitié des salariés de l’entreprise, même si plus de 50 % des votants étaient en faveur de l’accord. Cet accord est de plus défavorable aux salariés.

    La contestation par l’employeur de l’expertise demandée par le CHSCT

    La loi Travail (article L4614-13) a introduit la possibilité pour l’employeur de contester la décision du CHSCT d’avoir recours à un expert. Si le juge admet qu’il n’était pas nécessaire que l’expert soit consulté, alors l’employeur n’a pas à assumer les frais d’expertise. Dans ce cas l’expert ne peut pas être payé, puisque le CHSCT ne dispose pas d’un budget. Nous craignons que cela pousse l’expert à ne commencer à travailler qu’une fois achevé le délai de 15 jours dont dispose l’employeur pour contester le recours à un expert. Cela risque d’entrainer des retards systématiques dans la consultation du CE et du CHSCT qui sont déjà soumis à des délais très stricts. Nous craignons également que certains CHSCT disposant de faibles budgets ne puissent plus recourir à des experts, alors même qu’une expertise serait justifiée, par peur de devoir assumer des frais qu’ils n’ont pas les moyens de payer.

    Le CE et le CHSCT ne seraient alors plus à même de rendre un avis éclairé, alors qu’est en cause le respect des droits à la santé et la sécurité des salariés. Pour pouvoir contester cette disposition, voilà le cas type que nous recherchons :

    Un cas dans lequel une expertise est demandée par le CHSCT, puis contestée par l’employeur, ce qui entraine des retards dans la procédure, ou empêche le CE et le CHSCT d’avoir toutes les informations nécessaires pour pouvoir rendre un avis éclairé.


    L’aménagement par accord du temps de travail

    La loi Travail prévoit la possibilité pour un employeur de négocier un accord collectif ou une convention individuelle de forfait en jours ou en heures (Ordre public : article L3121-53 et suivants ; Négociation collective : article L3121-63 et 64 ; Disposition supplétives : L3121-65 et -66). La loi crée des obligations à la charge de l’employeur : vérifier que la charge de travail est raisonnable, que le temps de travail est bien réparti, s’assurer de l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle, de la rémunération et de l’organisation du travail dans l’entreprise, prévoir les modalités d’exercice du droit à la déconnexion... Ces obligations servent à garantir les droits des salariés, comme le droit au repos ou le droit à la santé.

    Les dispositions du Code restent insuffisantes par rapport aux exigences des textes européens. En effet, la loi ne prévoit pas de procédure permettant de contrôler que l’employeur respecte bien ses obligations. La loi renvoie aux accords collectifs l’obligation de prévoir les procédures permettant de s’assurer de la bonne conduite de l’employeur. Or, il est possible que des accords défavorables soient conclus dans certaines entreprises, ou même des accords favorables mais ne prévoyant pas de garanties suffisantes. Dans ces cas-là, les droits au repos et à la santé des salariés sont en danger, puisque rien ne vient s’assurer que l’employeur respecte ses obligations.

    De plus, la loi prévoit que certaines dispositions relatives au temps de travail maximal ne sont pas applicables et permet la renonciation du salarié à ses jours de repos, ce qui est de toute évidence contraire au droit au repos.

    Nous recherchons donc un accord de branche ou d’entreprise sur les forfaits, mis en œuvre individuellement par une convention de forfait signée avec un salarié, et qui ne prévoirait pas de mécanismes permettant réellement de s’assurer que le droit au repos et le droit à la santé notamment sont respectés. Par exemple, en ne décomptant pas les heures de travail effectuées par le salarié. 


    La loi Travail prévoit que les employeurs peuvent conclure des accords collectifs ou des conventions individuelles sur les forfaits aux conditions applicables avant l’adoption de la loi. Pour nous, il s’agit d’une rupture d’égalité entre les salariés. Il n’est pas justifiable que des salariés d’une même entreprise, exerçant le même emploi, soient soumis à des conditions de travail qui ne soient pas les mêmes : les accords en forfait devraient prévoir les mêmes conditions et garanties pour tous les salariés.

    Nous recherchons donc le cas d’un salarié qui serait obligé de conclure un accord en forfait aux nouvelles conditions, alors que d’autres salariés de l’entreprise bénéficieraient d’un accord conclu aux anciennes conditions.



    Le motif économique de licenciement

    La loi Travail (article L1233-3) prévoit que les difficultés économiques peuvent être caractérisées par des indicateurs économiques (baisse des commandes, du chiffre d’affaire, de l’excédent brut d’exploitation) dont l’ampleur minimale varie en fonction du nombre de salariés de l’entreprise. Le fait de prévoir une définition de la cause économique réelle et sérieuse qui varie notamment en fonction des effectifs de l’entreprise institue selon nous une différence de traitement entre les salariés qui méconnaît le principe d’égalité devant la loi.

    Encadrer les difficultés économiques dans des barèmes et des durées empêche le juge de contrôler le contexte du licenciement comme le préconise la convention 158 de l’OIT. Or, il est bien connu que les entreprises peuvent « jouer » avec ces indicateurs économiques, par exemple, une baisse de l’excédent brut d’exploitation peut se justifier par un gros investissement, ou même l’augmentation des revenus des dirigeants…

    Nous recherchons donc le cas d’un salarié ou plusieurs licenciés pour motif économique, que l’entreprise justifie par une baisse d’un des indicateurs économique, alors même que cette baisse peut se justifier par des raisons autres que des difficultés économiques

    L'exemple du CNE : Déjà en 2006, il avait été possible de faire tomber aux oubliettes le CNE (contrat nouvelle embauche) qui prévoyait, pour les entreprises de moins de 20 salariés, de pouvoir licencier sans motif pendant les deux premières années d'emploi. Ces deux modalités furent déclarées contraires au droit international par l’Organisation internationale du travail (OIT) le 14 novembre 2007, et ces contrats requalifiés en contrat à durée indéterminée par les conseils de prud'hommes. A la suite de ces recours, le CNE fut abrogé par la loi du 25 juin 2008. Cette expérience doit aujourd’hui être mobilisée contre la loi travail.

     

     


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    Outils juridiques

                                                       

    Le plus combatif des syndicats est bien obligé, sous peine de renoncer à sa fonction de défense de nos intérêts , d’entretenir avec la partie adverse, le patronat, et plus généralement avec la société environnante, des rapports constants qui supposent négociation et compromis (à ne pas confondre avec la compromission). Toute pratique du juridique, si elle s’exprime dans le cadre de la loi et de ses espaces, n’en demeure pas moins pour nous une pratique d’action directe. Ainsi, à défaut d’une lutte collective, la gestion d’un dossier juridique individuel doit toujours se faire avec la personne concernée dans un cadre coopératif de formation et d’auto-formation. D’autre part les activités de défense juridique ne doivent jamais prendre le pas sur les autres activités.

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    Quelques liens utiles

     

     

    Le code du travail :

    Legifrance.gouv.fr


    Aide et conseils juridiques (Bourse du Travail):

    Permanences téléphoniques au 04 78 60 88 56

    tous les jours de 8h à 11h
    les Mardis et Jeudis de 11h30 à 16h30


    La DIRRECTE (inspection du travail)

    Accueil du public pour une aide juridique :

    8-10 rue du Nord 69625 Villeurbanne Cedex

    Le Lundi de 13h à 16h
    Du Mardi au Vendredi de 8h45 à 16h

    Permanences téléphoniques au 04 72 65 59 59

    Le Lundi de 13h à 16h30
    Du Mardi au Vendredi de 8h30 à 16h30





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